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Un avenir sans éternité?  par Père Grégory WOIMBÉE - (le 01 - 08 - 04)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (12,13-21)
DU MILIEU DE LA FOULE, un homme demanda à Jésus: «Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage.» Jésus lui répondit: «Qui m'a établi pour être votre juge ou pour faire vos partages ?» Puis, s'adressant à la foule: «Gardez-vous bien de toute âpreté au gain; car la vie d'un homme, fût-il dans l'abondance, ne dépend pas de ses richesses.» Et il leur dit cette parabole: <dl y avait un homme riche, dont tes terres avaient beaucoup rapporté. Il se demandait: "Que vais-je faire ? je ne sais pas où mettre ma récolte." Puis il se dit: "Voici ce que je vais faire: je vais démolir mes greniers, j'en construirai de plus grands et j'y entasserai tout mon blé et tout ce que je possède. Alors je me dirai à moi-même: Te voilà avec des réserves en abondance pour de nombreuses années. Repose-toi, mange, bois, jouis de l'existence."
«Mais Dieu lui dit: "Tu es fou: cette nuit même, on te redemande ta vie. Et ce que tu auras mis de côté, qui l'aura ? Voilà ce qui arrive à relui qui amasse pour lui-même, au lieu d'être riche en vue de Dieu."

UN AVENIR SANS ETERNITE?

"L'évangile de ce jour interroge fermement l'état de notre rapport à Dieu, de notre rapport aux autres et de notre rapport au monde, à la vie, au réel. Tous ces rapports sont liés les uns aux autres. Le Riche insensé est l'homme seul
sans Dieu, sans frères, sans vie...
Aussi paradoxal que cela puise paraître, la vie d'un homme ne dépend pas de ses richesses. Non moins paradoxale l'origine de l'angoisse de l'homme riche insensé : ses propres biens, l'abondance de ses réserves, sa sécurité l'obsède et se transforme en angoisse. Il partage le credo de l'occident contemporain: mange, bois, jouis de l'existence. La mystification matérialiste lui tient lieu de spiritualité: un «Ne t'inquiètes plus» qui inquiète. Ainsi en est-il de l'obsession du risque zéro, que le monde occidental ne compense que par une consommation effrénée. L'avare ou le dépensier sont finalement atteints du même syndrome, du même désespoir. Nos biens nous avilissent lorsque nous espérons d'eux ce qu'ils ne peuvent nous donner. Ils nous préparent alors un avenir sans éternité. Ils produisent une sécurité qui engendre la peur de tout perdre, qui isole et qui installe dans le néant. Sic transit gloria mundi... Nous construisons des empires de pacotilles qui ne nous survivent pas. Nos collectes d'aujourd'hui seront dilapidées demain. Nos palais de la consommation ne pèsent que le poids de nos illusions. Ils sont objet de concupiscence et d'hypocrisie. Le Christ ne veut y avoir part, il n'est pas venu pour cela: «Qui m'a établi pour être votre juge ou pour faire vos partages ?» On savait déjà depuis longtemps la valeur de nos gains: «Vanité des vanité, tout est vanité». La mentalité de l'homo consumericus investit même le non-économique, le spirituel. Le religieux n'échappe pas au phénomène de consommation, mais il n'est pas réductible à cette logique de l'éphémère.
Sortir du réel pour échapper à la consommation serait la pire des tentations. Ce serait oublier que la foi est le canal d'une transformation, et donc de subversion de tout ce qui prétend l'absorber ou la réduire à une manifestation purement sécuritaire. La mystique chrétienne repose pleinement sur le témoignage et vit donc au rythme des Sacrements, selon le temps des sacrements: tendez vers les réalités d'en haut, et non vers les réalités de la terre, «revêtez l'homme nouveau». Il ne s'agit pas de fuir les réalités de la terre, mais d'habiter la terre en vue du Ciel. Il ne s'agit pas de ne rien faire ici-bas, mais de tout faire en ce monde en vue du Ciel, d'être «riches en vue de Dieu». Nos richesses ne sont pas destinées à nous permettre de réaliser nos rêves, mais à atteindre plus intensément le réel. La réponse de Dieu n'est pas celle du stoïcien, n'est pas de se soumettre à l'ordre du monde coûte que coûte, mais de s'ouvrir à lui par-delà le désordre du monde. Il répond à l'homme en habitant le monde: Dieu aime le monde. Voilà pour l'attitude fondamentale. Le présent chrétien se vit sous la modalité de la présence de Dieu. Présence à soi donc, mais présence à soi de Dieu. Un regard hostile est insuffisant, il mure dans une suffisance stérile, il n'est pas missionnaire. Affirmer sa différence n'est pas pratiquer l'indifférence. Un regard au contraire qui est paradoxal : ce monde que Dieu aime au point de lui donner son fils, ce monde dont le croyant n'est plus tout en l'habitant. L'écart que manifeste le paradoxe chrétien ne remplit pas le vide actuel, mais indique un rapport au temps qui libère de la peur du vide.
Soyons réalistes: «tu es fou, cette nuit même on te redemande ta nuit». Mais si le réaliste est humble devant le réel, il ne lui est pas soumis, ni optimiste, ni pessimiste: il n'est pas tenté de le réduire à lui-même par fidélité à soi. Si grande que soit sa dissemblance, toujours plus grande doit être la solidarité. Cette solidarité avec le monde ne peut se construire à l'écart d'une logique de marché ou de mode, mais c'est parce qu'elle n'y est pas indifférente qu'elle se construit comme solidarité, comme réciprocité du lien. En outre, l'événement de grâce n'exclut pas le combat spirituel, il le suppose toujours. Les difficultés s'amoncellent à mesure que s'opère la libération ; les ténèbres se font plus denses à mesure que la lumière se fait. C'est notre vision, notre conscience qui change par contraste. De même que notre temps fait mieux voir les nouvelles dépendances liées à l'émancipation moderne, de même la conversion accroit la lucidité ; sous l'oeil illuminé, les simples nuages de jadis paraissent d'une insupportable obscurité. Il y a pourtant une différence: la peur. La foi affermit là où la culture moderne démobilise , affaiblit. Le paradoxe moderne endurcit (rend plus dur) là où le paradoxe de la foi fortifie (rend plus fort) : l'illusion de puissance durcit le coeur lorsque les illusions arrivent, tandis que l'accueil de sa propre vulnérabilité dans la fragilité du Crucifié fortifie le faible lorsque les épreuves arrivent. L'un défigure l'homme l'autre le configure à l'Homme-Dieu. Le saint est sans nul doute l'oeuvre la plus forte de la conversion. les saints sont vraiment le présent «perpétuel» de l'Église, non un présent clôt sur lui-même , qui s'achève toujours en futurisme ou en passéisme, mais une suprême actualité. Saint Ambroise disait que « le sein des pauvres, la maison des veuves, la bouche des enfants, ce sont des greniers éternels».

Père Grégory WOIMBÉE.

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