Résurrection
"Avec la Résurrection,
nous voilà au cœur de notre foi. Mais qu'est-ce que la Résurrection?
Impossible de s'en faire une représentation quelconque, et
surtout pas celle des Sadducéens qui questionnent Jésus à son
sujet. Toute représentation d'un mystère de foi est toujours périlleuse.
La leur est tout simplement ridicule. Cette femme qui voit périr
ses maris successifs au point que ça en serait presque suspect et
dont on se demande, à la Résurrection, duquel elle serait l'épouse!
Ces Sadducéens font ce que nous faisons souvent, et dont l'Évangile
s'efforce sans cesse de nous détourner: représenter l'univers de
la Résurrection à l'image de notre univers actuel. Et à vrai
dire où puiser d'autres images? Le risque est de les chercher
dans l'imaginaire. Les peintres s'y sont essayé/ montrant
ce monde ressuscité d'une façon qui le rend plus ennuyeux
qu'attirant: ces myriades d'élus, au garde-à-vous, à jamais figés
autour d/un trône où siège le Père éternel, et les foules
d'anges hypothétiques qui survolent la foule ne le rendent guère
plus réjouissant! Alors que faire?
Pour nous, chrétiens, comme d'habitude, nous n'avons d/autres
recours que dans la foi. Et la foi, c'est la confiance. La
confiance en une parole, celle de l'Écriture, et particulièrement
celle du cœur de son cœur qu/est l'Évangile. Et dans I/Évangile,
nous tourner vers la présence fulgurante qui le traverse, celle
de Jésus Christ, le Ressuscité précisément, la clé d'un mystère
qui ne pourra se saisir que par le long cheminement d'une
existence cherchant sans cesse à rejoindre la sienne, telle que
nous la montre les quatre Témoins, et telle qu'elle s'enracine et
qu'elle s'éclaire dans l'histoire mystérieuse et plusieurs fois
millénaire d'un Peuple, l'Israël ancien, et cet Israël nouveau
que nous appelons l'Église. Oui, c'est dans la confiance
"existentielle" en Jésus Christ que peut seulement s'éclairer
pour nous le mystère de la Résurrection. Qu'est-ce à dire?
Ce que dit Jésus aux Sadducéens qui veulent enfermer la Résurrection
dans une problématique de remariages successifs, échos de cette
loi juive du Lévirat où un homme doit épouser la femme de son
frère pour donner à celui-ci une progéniture s'il est mort sans
enfant, c'est que si conjugalité , sexualité, procréation, sont
ici-bas, en quelque sorte, remèdes à la mort, elles n'ont plus
de raisons d'être dans l'univers de la Résurrection qui apparaît,
dans le mystère de sa vie,. de sa mort et de sa résurrection
comme l'univers d'une mort traversée et surmontée. Ni
prolongement généalogique, ni encore moins retour en arrière
comme l'évoque un film actuellement sur nos écrans, mais un mystérieux
relèvement, un surgissement ultime d'une dynamique de vie dont déjà,
ici-bas, nous devons pouvoir faire l'expérience et reconnaître
la présence.
Et cette expérience, c'est celle de la vie évangélique, cette
vie qui
fait le choix de ne pas chercher son assurance, sa garantie, sur
ce que la rouille finira par dévorer et les vers par détruire,
nos biens accumulés, matériels, intellectuels, familiaux, mais
de les trouver avant tout dans la fidélité à une Parole capable
dès maintenant de soulever notre vie du pressentiment de la vie
éternelle. Le chrétien sait que cela il le trouve dans le choix
de l'amour, de cet amour "comme je vous ai aimés" dont
les Béatitudes rappellent les modalités, et dont le Christ, Béatitude
vivante, montre le chemin et garantit la valeur infinie, telle
qu'elle éclatera dans ce matin de Pâque dont les Témoins feront
retentir jusqu'à nous la Bonne Nouvelle.
Ou la Résurrection est déjà une dimension de notre vie présente
ou elle n'est rien qu'un fantasme, illusion ou fruit de la peur.
Elle est en quelque manière la face cachée de notre existence
que nous devons faire apparaître en mêlant notre existence à
celle de Jésus et en avançant dans la vie habités et poussés
par son esprit, celui justement que nous appelons l'Esprit Saint
et qu'il a promis de nous donner. Et mépriser la vie terrestre
dans l'attente de la vie céleste, ou en supporter passivement les
injustices et les malfaisances en attendant la seconde en
compensation, c'est n'avoir rien compris à la parole de Jésus
qui affirme que le Royaume de Dieu est déjà présent parmi nous,
royaume d'amour, de paix et de justice, que nous devons travailler
à faire advenir, ici et maintenant, au cœur d'un monde de ténèbres.
En d'autres termes, tout ce qui est amour dans notre vie présente
franchit déjà ce seuil qui fait de nous des ressuscités. La Résurrection,
ça ne s'imagine pas pour demain, ça se vit aujourd'hui."
Père Blondeau
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