Vrai Dieu et vrai homme.
"Jésus. Un homme comme tout le monde.
Capable d'une sorte de fugue quand il est un ado. Capable de faire
la noce, à Cana. Capable de tendresse quand il pleure la mort de
son ami Lazare. Capable de colère quand il chasse les vendeurs du
Temple et même d'insulte quand les Pharisiens le poussent à
bout: "race de vipères! Capable d'angoisse quand la mort se
rapproche: "que ce calice s'éloigne...". Capable de
cette fragilité qui a besoin de la présence de l'autre:
"Veillez et priez...". Capable d'héroïsme moral jusque
dans les pires épreuves : "Père, pardonne leur...".
Capable de totale confiance au plus profond de la déréliction:
"Entre tes mains je remets mon esprit...". Oui, d'un
bout à l'autre de l'Évangile, un homme comme tout le monde.
Et pourtant, d'un bout à l'autre de l'Évangile s'impose dans
cette humanité en tout point semblable à la nôtre comme le
pressentiment d'un ailleurs mystérieux. Cela ne pourra s'éclairer
vraiment qu'après le bouleversant évènement du matin de Pâque
où alors tout sera relu et tout sera compris sous une autre lumière,
ainsi qu'eh témoigne déjà, dès le dernier soupir sur la croix,
la remarque de l'officier romain: "Vraiment cet homme était
le Fils de Dieu...".
Et c'est le mystère de cette double appartenance dans cette
personne vraiment unique qui se met en scène dans l'Évangile de
la fête dite du baptême du Seigneur. En Jésus s'annonce une
justice nouvelle qui est un déni de justice. Jésus n'a pas
besoin du baptême de Jean. Il n'est pas juste qu'il le reçoive.
Et si malgré tout il force la main de son cousin et entre dans
l'eau purificatrice, c'est qu'il annonce la fin d'une justice pour
que se lève une autre justice qui est celle du débordement de
l'amour de Dieu qui s'annonce en sa personne. "Laisse faire,
désormais il faut que nous accomplissions TOUTE JUSTICE".
Accomplir, dans le Nouveau Testament, c'est combler en dépassant,
"surclasser". Et ce qui surclasse la justice, c'est
l'amour. De même que le maître de la parabole était juste, lui
aussi, en payant selon le contrat les. ouvriers de la dernière
heure ni plus ni moins" que ceux de la première.
Et les choses vont aller plus loin encore que ce qu'annonce ce
baptême dans le/Jourdain puisque Jésus prendra rang parmi les
malfaiteurs sur le bois de la honte et de la malédiction, le bois
de la culpabilité passible de la peine de mort, il pardonnera à
ceux qui le crucifient. Oui, le pardon, selon l'Évangile, est
toujours un déni de justice, un don fait à des non ayant droit
"
Et c'est là que cet homme qui est tellement comme tout le monde
laisse rayonner en lui cette mystérieuse identité qui sera
reconnue comme divine après l'expérience de la Résurrection. Et
voilà pourquoi, quand il entre dans cette eau comme un quelconque
pécheur qu'il n'est pas, au grand scandale de Jean qui, de ce
jour et jusqu'au fond de sa prison bientôt, aurait beaucoup de
mal à comprendre tout cela: "es-tu celui qui dois venir ou
devons-nous en attendre un autre ?", voilà pourquoi au
de!)sus de ce baptême étrange et déplacé plane en même temps
cette mystérieuse révélation, associée à la présence de
l'Esprit de Pentecôte la fameuse colombe: "Celui-ci est mon
fils bien-aimé, en lui j'ai mis tout mon amour". Et bien
plus tard, quand l'Église, toujours sous la mouvance de l'Esprit,
continuera comme elle fait dans cet évangile, à méditer sur le
mystère de Jésus Ressuscité, elle trouvera pour résumer ce
qu'elle appelle le mystère de l'Incarnation, cette simple et définitive
formule qui dit sa foi: "VRAI DIEU ET VRAI HOMME". Et de
cette Incarnation elle comprendra que jaillit un autre mystère
qui est celui de la Rédemption, c'est-à-dire la déferlante de
,l'amour de Dieu sur nos pauvres justices humaines afin de les
ouvrir à l'espérance de la vie éternelle".
Père Jean-Baptiste BLONDEAU
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