L'éblouissante lumière.
"Dans le contexte
de la parole évangélique, si simple, si naturelle, si champêtre le plus souvent, on est
étonné
de rencontrer soudain cet étrange récit. Ce que fait et ce que dit Jésus nous
fait connaître l'amour de Dieu, une immense et lointaine transcendance vient prendre corps dans
la fragilité d'un être humain, fragilité physique comme
tout
un chacun, fragilité bouleversante
qui
s'affirme
hors de toute puissance à la manière humaine,
hors de toute violence
hors de
tout
orgueil, pure et unique transparence d'un être qui révèle toujours avec
une totale
justesse,
quelles que soient les circonstances et même les
pièges!
le mot juste d'un amour qui redonne confiance. Et cela au milieu des
aléas
de
la vie qui sont communs
à tout
homme,
à Jésus
comme n'importe quel autre.
Et puis voilà aujourd'hui cette
étrange expérience
qui nous est relatée?
En réalité si l'on regarde de près les récits! le moment n'est pas
quelconque. Jésus
en a
déjà beaucoup dit de sa mission! de ce Royaume dont il annonce !a proximité, royaume dont il explicitera la "Constitution" dans les Béatitudes,
et dont
la "Cour des Comptes" ressemblera à ce jugement où l'on sera du bon
côté
si l'on a reconnu! et servi, le souverain caché dans ces "petits", ces malades, ces
nus ces prisonniers, ces exclus. Et pour y parvenir il faudra suivre le fondateur sur d'étranges chemins, chemins
qui
passent par l'échec!
le
rejet,
la
croix, la mort et ce mystérieux "Relèvement". Oui, Jésus monte à
Jérusalem pour tout
cela. Qui l'aime le suive. Ce n'est pas facile à
comprendre! à faire. Et pourtant qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui la perd la sauvera. Qu'est-ce à dire? Qui peut comprendre ces paroles?
La Transfiguration est, à ce point du parcours,
la
nécessaire leçon de théologie, si l'on peut
dire.
Elle
est en
tout cas pleine de signification. Pour Israël, le plus grand prophète est sans conteste Moïse, l'homme du passage de l'esclavage
à la liberté, de la horde au Peuple constitué, noué dans une Alliance, structuré
par une Loi,
celle du
Sinaï,
mystique découvreur d'un Dieu qui n'est que ce qu'il EST, et rien d'autre.
Mais
la nature de cet
ÊTRE
demande encore un long chemin! une longue expérience spirituelle, avec des hauts
et des bas, pour
être
mieux
comprise.
Il est si
facile de faire de Dieu une idole, puissante,
redoutable, dorée, et favorable de préférence. Cette idole, Jésus
va la briser définitivement sur la Croix
du
Calvaire, cette folie dira
Saint
Paul.
Mais
si 11dole est brisée, il faut!
par-delà! retrouver
la
présence de l'ÊTRE, sensible seulement dans un souffle mystérieux qui
vous passe derrière
le dos, comme
le découvre le mystique prophète Élie au sommet du Mont
Carmel. Comment
un Dieu humilié et torturé
dans l'homme qui le
révèle peut-
il manifester celui qui
fait "passer"
de la
servitude à la
liberté,
de la mort
à la vie, comme on traverse une mer, en route
vers
une Terre promise où coulent le lait et le miel? Comment tout cela, pour nous
aujourd'hui, peut s'accrocher à cette
Église dont nous sommes
et dont nous croyons qu'elle est le
"sacrement" de cette espérance, de cette liberté, de ce Salut?
C'est au sommet de la haute montagne, image évidente du Sinaï, qu'à cela réponse est donnée aujourd11ui. Tout le monde est réuni.
Moïse et Élie, Pierre, Jacques
et Jean qui sont
les premiers disciples choisis par Jésus, futures colonnes
de
YÉ91ise. Et là sont affirmes à la fois l'homme en qui se brisent les idoles et
l'Être qui le
transfigure comme désormais nous le savons, est transfiguré le visage de quelque homme que ce
soit,
pour
défiguré qu'il soit.
Si la lumière
éblouissante du divin rend Jésus resplendissant, comment ne le reconnaîtrions-nous pas quand l'extrême de
/a puissance
de l'amour va le pousser
à la torture de la Croix et à l'horreur de la mort, le rendant plus lumineux
encore, vraiment cet homme était
Fils de Dieu témoignera le soldat romain au bas de la Croix, un Romain un païen.
Et comment cette lumière,
si nous la reconnaissons aussi, loin de nous aveugler, ne contribuerait-elle pas à ouvrir nos regards sur la gloire précieuse du moindre de nos
frères, et de nous-mêmes?
En l'homme Jésus transfiguré,
c'est la
splendeur de tous
les fils des hommes qui
apparaît, et
notre propre glorification.
Et la voix qui sort de la nuée, cette nuée qui localise, si l'on
peut
dire, la
présence de Dieu conduisant son Peuple dans le désert vers la Terre Promise, confirme que le spectacle d'aucune souffrance, d'aucune détresse, ne pourra désormais nous faire douter de la dignité de l'homme dont le terme est la Gloire,
ce Relèvement en Jésus attesté
au matin de Pâque -et qui
confirmera le
relèvement
en Lui de
tout homme. Mais nous
n'en
sommes pas
là, les lumières viennent de s'éteindre. Il faut redescendre vers
un quotidien
qui est, n'est-ce pas, moins lumineux!
Nous appelons
même cela la nuit de
la foi ou le silence de Dieu. Comme Marie qui conservait toute chose en son cœur nous essayons de raviver parfois de fugitifs moments de lumière. Et nous avançons. Dans la foi, "nous demandant entre nous ce que
veut
dire ressusciter
d'entre
les morts"...."
Père BLONDEAU.
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