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LE TENTATEUR.  (le 13 - 02 - 05 ) - -Père J-B Blondeau

 

Le TENTATEUR.

"Adam n'y résiste pas. Trop fort pour lui. Adam, nous le savons, c'est l'homme, c'est vous et moi. C'est l'homme et la femme, inséparables. Ève, Ischa, la mère des vivants. Adam et Ève. C'est la racine de l'humanité. C'est le plus profond, le plus fondamental au cœur de chaque être humain. C'est la part nécessaire du masculin en tout féminin, du féminin en tout masculin. Ce qui à la fois attire et sépare. Ce qui permet de reconnaître le même dans la plus haute différence. Et cette humanité là, à la fois si riche, au point, dit l'Écriture, d'être l'image même de Dieu, et si faible, cette humanité ne sait pas résister aux ruses les plus grossières du Tentateur. La plus désastreuse sera de penser pouvoir être comme des dieux tout puissants. Sans avoir compris, justement, que Dieu n'a d'autre puissance que celle de l'amour.

L'amour seulement est tout puissant. Il est la source créatrice d'où jaillit cet univers que décrit si bien le début de la Genèse. Quelle autre raison d'être aurait la lune et les étoiles, la terre et le ciel, les oiseaux, les bêtes des champs, les fleuves et les océans, sinon d'être les signes de la surabondante générosité de celui qui va couronner ce jaillissement par cet autre 'lui est sa propre image, sa ressemblance, celui dont le psalmiste dira: "A peine le fis-tu moindre qu'un Dieu". Mais la faiblesse de l'homme, celle qui justement le manifeste comme moindre qu'un Dieu, c'est d'abuser de la divine liberté qui le rend unique pour choisir autre chose que l'amour comme raison de vivre et de grandir, et d'espérer.

Et c'est la confiance dans les discours menteurs. Qui ne s'y laisse prendre? C'est la confiance dans la suffisance, l'autonomie, la totale maîtrise de soi, 11ndividualisme, et tout ce qui va servir ces idéaux illusoires: le pouvoir, l'argent, la force, la séduction: c'est finalement la volonté d'être à soi- même la définitive, seule et unique référence, croyant connaître le bien et le mal. Oui, terrible tentation des orgueils solitaires qui lorsque nous y cédons nous laissent soudain "nus", et fragiles. Et c'est ainsi, ajoutera Paul, que par l'homme entre dans la création d'amour le péché et la mort. Non, personne ne peut y résister. Cette faiblesse est partout, hier, aujourd'hui et demain, chez vous et chez moi. Il n'y a qu'à voir comment va le monde et tous les dieux qu'il se donne. Adam est bien la figure de ce qui en l'homme est le refus de la confiance, refus de l'autre, refus de l'amour. Oui, Adam est en chacun de nous, nous tous, sans exception.
Si. Il y a une exception! Mystère. L'Évangile nous fait rencontrer un homme qui en quelque sorte reprend l'histoire depuis le début. Pas le début du temps dont l'énigme nous échappe, mais ce début fondamental, au cœur de notre être, là où le péché s'enracine dans notre faiblesse. Et ce que nous ratons tous, encore une fois il n'y a qu'à voir, lui va le réussir. Ce qui se passe aujourd'hui dans le désert de tentation donne sens à la totalité de l'Évangile, à tout ce qui va suivre, faits, gestes et paroles: c'est le refus jusqu'à en mourir de prendre le pouvoir afin d'ouvrir le seul chemin de liberté qui est celui du service et de l'amour.

Jésus, nouvel Adam. Adam véritable. Et c'est alors l'absolu contre-pied de cet échec qui ne cesse de tarauder nos vies, de cet aveuglement qui nous fait si facilement tomber aux pieds de toutes les idoles, celles d'aujourd'hui ne sont pas autres que celles d'hier: adore le pouvoir, deviens maître du monde, accumule puissance et argent pour donner du pain. aux affamés du monde, empare-toi des critères du bien et du mal, allez, décide de l'empire du bien, de l'empire du mal, pour établir la paix mets donc la main de ton empire sur tous les empires du monde, sois le hardi défenseur de la foi par la puissance qui te fait te jeter du haut du Temple sans risque, soutenu par les anges du ciel, et avec ces miracles-là qui sont ceux du Dieu de l'esbroufe et du grand spectacle, tu auras vite fait le contraire de ce que Dieu est en réalité, sans autre puissance que celle de son amour: djihad, inquisition, intégrisme, intolérance. Tout le " monde connaît les fruits amers de la religion de puissance. Pour finir, on crucifiera celui qui en sortant vainqueur de ces tentations nous dit de remettre l'épée au fourreau parce que la violence ne peut qu'engendrer la violence; Jésus sera tué pour de bonnes raisons (Jean 18/14). Mais au matin de Pâque, la vérité éclatera: "l'homme ne se nourrit pas seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu... C'est devant le Seigneur ton Dieu seul que tu te prosterneras, c'est lui seul que t adoreras". Car tout autre Dieu n'est qu'idole mortifère. Seul le Dieu qui ressuscite Jésus se manifeste à jamais comme le Dieu de l'amour, le Dieu de la liberté, le Dieu de la vie. Le Carême qui commence, c'est , entreprendre ce long chemin qui passe par le désert pour redécouvrir ensemble le vrai visage du Dieu qui nous fait vivre. De l'Eden perdu au désert de purification jusqu'à la foi du tombeau vide;"

Père Jean-Baptiste BLONDEAU 

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