VENEZ
ET VOUS VERREZ.
"Les disciples de Jean-Baptiste lui sont attachés. Comme le
sont des disciples à celui qu'ils reconnaissent comme un maître,
Ce qui a pu les séduire nous le devinons à travers ce que nous
savons de la personnalité de Jean et de son message. Jean, le
prophète rustique et frugal; l'homme du désert qui a dit de lui
qu'il n'était rien d'autre qu'une "voix", un
porte-parole. Jean qui invite à un changement de vie à 1800 :
que les riches partagent, que les soldats arrêtent de piller, que
les religieux fassent la vérité dans leur comportement, etc...
un vrai franc-parler en somme. Et voilà que soudain leur maître
en pointe un autre du doigt comme s'il voulait les détacher de sa
personne, un autre qui va et qui vient dit l'Écriture, qu'il
regarde comme fasciné et qu'il désigne par une formule étrange:
"Voici l'agneau de Dieu".
Étrange la formule, par pour les disciples de Jean en tout cas.
Eux ils ont reconnu la vieille prédiction des prophètes
bibliques qui désignait un envoyé de Dieu qui donnerait sa vie,
tel l'agneau que l'on immole, qui ferait de- ce don de la vie le
signe du plus grand amour par lequel vient un salut, une espérance,
l'accomplissement d'une très ancienne promesse, l'envoi de ce
Messie, ce consacré de Dieu. Son attente, d'ailleurs, dans ce
peuple d'Israël que nous rencontrons là, créait un véritable
manque qui s'exacerbait au fil du temps, au fil d'une histoire de
plus en plus catastrophique à.,..tout point de vue et qui rendait
d'autant plus urgente la venue d'un "libérateur". Quand
tout va mal à ce point, la vie finit par ne plus avoir de sens et
l'on comprend que lorsque les deux disciples de Jean l'entendent
dire: "Voici l'agneau de Dieu", ils n'hésitent pas à
quitter le maître qu'ils. vénèrent pour suivre. l'inconnu qu'il
leur montre.
Jésus se sent peut-être suivi 7 En tout cas il fait entendre à
ces hommes la parole qui vient s'ajuster à leur attente:
"Que cherchez- vous ?". Que cherchez-vous ?.. Que
cherchons-nous 7... Nous cherchons Dieu et il se fait entendre
dans cette question montrant qu'en vérité lui nous cherche tout
autant, il se retourne vers notre quête, il nous interpelle. Oui,
nous pouvons tout autant nous poser la question: que
cherchons-nous 7 qu'attendons-nous de la vie 7 Et il faut recevoir
cette question,comme une grâce de Dieu pour que nous puissions à
notre tour poser la question décisive, préalable, primordiale}et
qui retentit tout au long de la Bible: "Où demeures-tu
7..." Où habite Dieu 7 Où pouvons-nous le trouver?,.., .
Et la réponse de Jésus dans cet immense dialogue révélateur de
la quête de l'homme, de ce à quoi il aspire pour que sa vie
ait du sens, oui, cette réponse vient nous trouver sur le chemin
de toute expérience spirituelle qui soit autre que du rabâchage,
de la naïveté ou du fanatisme aveugle: "VENEZ ET VOUS
VERREZ"... Le témoignage du prophète ne suffit pas même
511 peut orienter dans le bon sens; la parole entendue ne suffit
pas, les. rites ne suffisent plus, ce qu'il faut c'est se mettre
en route et voir de ses propres yeux, la foi reçue doit devenir
une foi vécue, la connaissance doit descendre dans le cœur, dans
le sang, dans la vie: "venez et vous verrez...", De Dieu
il faut soi-même en faire l'expérience et ne pas se contenter de
répéter les paroles qui le disent.
Aujourd'hui, c'est à nous, les baptisés, à dire "venez et
vous verrez", venez, vous qui croisez nos chemins en quête
d'espérance, vous les "attendant" d'un envoyé que nous
devons être, venez et vous verrez? Mais qu'avons-nous à montrer?
Car il ne s'agit plus de discours. Il s'agit de vie partagée, de
maison ouverte, de cœur à cœur, de regard qui se pose et qui en
dit long: "André amena son frère à Jésus. Jésus posa son
regard sur lui..." Quel regard poserons- nous sur nos frères
qui leur dira le regard de Dieu au point de renouveler leur être
en les transfigurant "Tu es Simon, tu t'appelleras Képhas,
ce qui veut dire pierre". Tu es un étranger, un pauvre type,
un mal-aimé, un désespéré, tu t'appelleras un frère, un
accueilli, un "intégré", un respecté. Tu es mal aimé,
tu deviens mon amour, car par mes bras qui s'ouvrent, mon regard
qui se pose, c'est. le sang de l'agneau de Dieu qui t'a trouvé,
qui t'a purifié. Venez et vous verrez, dit l'Église aujourd'hui,
saura-t-elle trouver le ton qui fera que l'on "restera auprès
d'elle ce jour-là" ?"
Père BLONDEAU.
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