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  Suffisants, insuffisants. par Jean Baptiste Blondeau -  (le 15 - 02 - 04)

Evangile de Jésus-Christ selon saint LUC (6, 17.20-26) .

"JÉSUS DESCENDIT de la montagne avec les douze Apôtres et s'arrêta dans la plaine. Il y avait là un grand nombre de ses disciples, et une foule de gens venus de toute la Judée, de Jérusalem, et du littoral de Tyr et de Sidon.

Regardant alors ses disciples, Jésus dit : "Heureux, vous les pauvres : le royaume de Dieu est à vous ! Heureux, vous qui avez faim maintenant: vous serez rassasiés ! Heureux, vous qui pleurez maintenant : vous rirez ! Heureux êtes-vous quand les hommes vous haïssent et vous repoussent, quand ils insultent et rejettent votre nom comme méprisable à cause du Fils de l'homme. Ce jour-là, soyez heureux et sautez de joie, car votre récompense est grande dans le ciel: c'est ainsi que leurs pères traitaient les prophètes.

Mais malheureux, vous les riches : vous avez votre consolation ! Malheureux, vous qui êtes repus maintenant : vous aurez faim ! Malheureux, vous qui riez maintenant ; vous serez dans le deuil et vous pleurerez. Malheureux êtes-vous quand tous les hommes disent du bien de vous : c'est ainsi que leurs pères traitaient les faux prophètes."...

Suffisants, insuffisants !

"Il est arrivé que l'on fasse de ces fameuses "Béatitudes" un bien mauvais usage. De fausses et illusoires consolations pour calmer la souffrance des pauvres en les berçant d'un rattrapage dans un monde meilleur pour étouffer leur menaçante révolte. Que les affamés du Tiers-Monde prennent patience, ils seront rassasiés... plus tard. Que les exploités de tous pays, ces esclaves qui n'ont plus que leurs yeux pour pleurer quand ils sont, par exemple, victimes des plans sociaux ou des délocalisations pour de plus grands profits, se consolent: un jour ils pourront rire à nouveau. . . plus tard. Alors, la religion devenant "Opium du peuple", comme on disait jadis, était bien utile aux pouvoirs établis pour calmer les révoltes et les menaces que fait peser sur la tranquillité des riches la misère des pauvres.

Et puis il est arrivé que la religion devienne subversive. Les mêmes formules ont armé les bras de certaines révolutions, en Uruguay, à Haïti, ou ailleurs. Malheur aux riches et aux repus, malheur aux rigolards cyniques qui s'engraissent du sang des pauvres! Cela n'a guère mieux marché, le Père Aristide, prêtre des taudis de son malheureux pays est devenu ce tyran sanguinaire dont les colères de la misère, toujours là, cherchent désespérément à se débarrasser aujourd'hui. La pauvreté qui perdure et grandit partout où l'on a cru que l'Évangile pouvait armer les bras de la révolution, continue ses désespérants ravages, hélas...

En fait, dans un cas comme dans l'autre, il semblerait qu'il y ait eu erreur sur le sens de ces proclamations d'un bonheur ou d'un malheur annoncés. C'est vrai que chez Luc où nous sommes, plus que chez Matthieu, les pauvres sont bien ceux qui sont indigents des biens de ce monde. Et les riches, possesseurs repus de ces mêmes biens. Mais la Bonne Nouvelle ne propose pas un programme politique, une analyse sociale de la communauté humaine. Toute l'Écriture éclaire ce passage en montrant les pauvres comme les INSUFFISANTS qui ne trouvent plus, ni en eux-mêmes, ni justement dans les richesses habituelles, leur raison de vivre et le sens de leur vie. L' Écriture montre aussi les riches comme les SUFFISANTS qui n'attendent rien des autres, ni par conséquent de Dieu, et dont toute la sécurité réside dans le volume de leur avoir. On peut alors voir des pauvres riches et des riches pauvres.

Comme toujours, la bonne Nouvelle vise au coeur, là où la plus grande pauvreté s'éprouve dans ce dénuement qui peut ne concerner en rien les possessions matérielles. Matthieu parlera des pauvres selon l'esprit, ceux qui tendent les mains pas forcément pour qu'on les remplisse mais pour qu'on les saisisse et que dans cette étreinte se brise cette solitude et ce désespoir que les plus grandes fortune ne peuvent guérir. Et par ailleurs, de ces riches malheureux de ce qu'ils ont ou de ce qu'ils désirent s'ils n'ont rien, pensant y trouver repos et sécurité, on en trouve partout, à tous les niveaux de la société."

Père BLONDEAU

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