Portes ouvertes.
"Notre époque aime les gourous. Et chacun a les siens. Pas
seulement les religions ou les sectes auxquelles on le reproche
parfois. Les mondes politique, social, sportif..., n'en manquent
pas. Et même parfois ceux qui sien défendent avec le plus
de violence, fussent-ils auteurs d'un sombre "Traité d'athéologie".
Le Pasteur dont parle l'Évangile n'est certes pas un gourou de
plus, ces guides que l'on suit aveuglément, docilement,
servilement, quand bien même ils vous conduisent à l'abîme. Ce
n'est même pas un maître de morale, fusse d'Instruction Civique
ou de bio- éthique. Souvenons-nous: ceux qui brandissaient la loi
morale sur la tête de la femme adultère, prêts à la fracasser
avec les pierres de leur bonne conscience, Jésus les fait fuir en
faisant de cette loi le miroir de leur turpitude. Car ce Pasteur
qui n'est pas un gourou, c'est Jésus. Et il n'est pas celui qui
enseigne ce qu'il faut faire et ne pas faire.
Nous répétons souvent qu'il faut suivre le Christ, comme s'il
faisait de nous des suiveurs, de ces moutons bêlants qui courent
en tout sens au gré de la direction que prend le chef de file,
sans réfléchir, sans liberté. Moutons de Panurge qui tout aussi
bien sauteront se noyer dans la mer pour suivre le bélier de tête.
Et d'abord on ne peut pas suivre Jésus les yeux fermés car on ne
sait jamais où il va, quelle direction il prend, tant ce qui
guide ses pas c'est 11nfini liberté qui est celle de l'amour. Ce
que l'Écriture appelle le vent imprévisible de l'Esprit, et on
l'attend avec impatience au tournant du conclave qui s'annonce.
Les disciples d'Emmaüs n'ont suivi personne, ils ont partagé un
compagnonnage, ils sont fait route avec, ils ont partagé une
Parole pour en pénétrer le sens, ils ont partagé le pain, et ce
qui les a fait courir dans une "marche-arrière" qui était
en réalité la plus fameuse course à la liberté pour rejoindre
les frères et le lieu d'un drame que l'on ne fuit plus parce
qu'on l'a compris, oui, ce qui les fait courir à Jérusalem, ce
n'est pas la pression d'une loi ou la contrainte d'un argument,
c'est un cœur qui se réchauffe enfin au point d'en devenir brûlant.
Jésus est ce berger paradoxal qui ouvre les portes afin que les
brebis sortent de l'enclos. Jean-Paul II l'a bien entendu ainsi
qui n'a eu de cesse d'ouvrir et de franchir les portes d'un
Vatican désuet et solennel pour courir les routes du monde
jusqu'aux incroyables favelas et bidonvilles qui désespèrent le
Sud de notre planète, courir aussi vers les non moins surprenants
pays du désespoir, que ce soit celui du désespoir fasciste chez
Pinochet ou du désespoir communiste chez Castro. Quelle liberté!
! Que de passages! Et le Pasteur dont parle aujourd'hui l'Évangile
n'est décidément pas comme les autres, et surtout pas comme ces
gourous affolés ou fragiles qui veulent enfermer, protéger,
attacher à leur personne plus qu'à leur message. Lui, il appelle
chacun par son nom, ce qui dans la Bible est la façon de dire
qu'ainsi nommé chacun est reconnu, respecté, unique, précieux,
existant dans la pleine liberté de son être.
Cette voix qui donne un nom elle est la voix créatrice qui nous
sort du néant et de l'anonymat. C'est la nomination primordiale
de la genèse du monde et de l'humanité. C'est la voix recréant
à nouveau un homme qui s'était enlisé dans tous les dénis de
sa liberté en suivant ceux qui parlant à sa place le rendaient
muet et esclave. C'est la Parole vivante qui redonne la parole à
ceux qui l'avaient perdue dans l'anonymat d'un - monde sans espérance.
Cette parole qui nous appelle par notre nom est cette voix familière
qui nous ouvre les portes pour nous faire sortir de l'enclos qui
nous referme sur nous-mêmes. Ce n'est pas la parole trompeuse du
voleur qui égorge et détruit, c'est la Parole source de vie,
cette vie donnée en abondance de la nouvelle naissance à la Résurrection.
Bon Pasteur. Pasteur exceptionnel qui ne se nourrit pas des brebis
qu'il dévore, comme les dévorent tous les gourous de la terre,
mais au contraire fait vivre son troupeau de sa chair et de son
sang, c'est-à-dire de la puissance d'un amour qui ira jusqu'au
don de la vie puisque ce berger- là donne sa vie pour les brebis
de son troupeau. On comprend alors que ce passage de l'Évangile
est une parabole qui dit cette subversion accomplie par Jésus en
faisant qu'en lui le maître devient SERVITEUR, le Tout-Puissant
devient Toute-Faiblesse, toute-puissance qui se retourne en esprit
de service et d'amour. Ces mauvais bergers auxquels s'oppose la
figure du berger christique sont tous ceux qui ont essayé - et
continue de le faire - de mettre la main sur le troupeau au nom de
leur pouvoir, de réduire les hommes en objets utilisable, en
"force de travail" ou en "agent de
production". Le vrai Pasteur se fait le serviteur de la
liberté et comme le dit le Psalmiste "il conduit les hommes
vers les eaux du repos et les verts pâturages" : ce repos du
septième jour de la Genèse pleinement accompli dans la Résurrection,
le Royaume qu'elle ouvre à jamais, celui qu'annonce déjà tous
nos pauvres efforts d'amour et de liberté, ici et maintenant..
Père Jean-Baptiste BLONDEAU
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