Evangile de Jésus-Christ selon saint
Marc (9,31-37)
"Il
instruisait ses disciples et leur disait: le Fils de l'homme va
être livré aux mains des hommes, et ils vont le mettre à mort,
et, trois jours après sa mort, il ressuscitera." Mais ils ne
comprirent pas ces propos, et ils avaient peur de les interroger.
En
rentrant à la maison, il leur demanda: "De quoi
discutiez-vous en chemin?" Ils gardèrent le silence, car,
chemin faisant, ils avaient discuté entre eux qui serait le plus
grand. Alors, s'étant assis, il appela les Douze et leur dit:
"Si quelqu'un veut être le premier, il doit le dernier de
tous et le serviteur de tous." Puis il prit un petit enfant,
le plaça au milieu d'eux, l'embrassa et leur dit: "Qui
reçoit l'un de ces tout petits en mon nom, me reçoit, et qui me
reçoit, ce n'est pas moi qu'il reçoit, mais celui qui m'a
envoyé."
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LE
MEILLEUR.
Pas sérieux les disciples! Au moment ou
Jésus leur annonce les péripéties de
son tragique avenir avec, il est vrai, la perspective d'espérance qu'est ce
mystérieux "relèvement" post-mortem, eux, ils se posent la plus
désolante, la plus meurtrière des questions par laquelle
les hommes ne cessent, hélas, de pourrir leur vie: qui est le plus grand, qui
est le meilleur?!...
Et vas-y que je me dope car sur les podiums et les lignes
d'arrivée on récolte le pactole, un million par mois les plus grands noms du foot. Vas-y que
je ruine ma santé et corromps a la base le noble idéal du sport. Une anecdote,
authentique. Un éducateur d'ONG, essayant de distraire les gamins
affamés d'une
grande ville africaine, organise une course. Il les place sur la ligne de départ,
donne le signal et, oh surprise admirable!, les enfants se prennent tous par la
main et courent ensemble de tout leur coeur vers le point d'arrivée. Oui, chez
nous, le plus souvent, être le meilleur, le premier, partout, à 1'ecole déjà,
au travail, en politique, quitte a pratiquer les pires coups fourrés et a
prendre comme piédestal la tête des autres que 1'on enfonce. Le plus beau, le
plus riche, le plus fort. Malheur aux vieillards fanés et inutiles...
Heureusement pour eux, et pour nous, un sentiment sauve les disciples: ils
ont honte de leur question qui au sein du jeune et naissant "collège
apostolique" contient en germe toutes les faiblesses, les errements, les
orgueils triomphalistes de 1'Eglise a venir. "Ils se taisaient,
car...". Heureusement Jésus se contente de peu, il n'écrase jamais, il ne
condamne jamais, il relève, il maintient sa confiance, il pardonne, en un mot
il aime, ses disciples mesquins, leur chef Pierre si facilement lâche et si
prompt à trahir, et la femme adultère, et 1'escroc Mathieu, et la prostituée
qui gaspille le parfum, et vous, et moi, qui ne valons pas mieux.
Il aime, mais pas dans la faiblesse et la complaisance, pas dans cette
démission aujourd'hui trop souvent pressente au coeur des familles.
Il aime dans
1'exigence qui enseigne, qui éclaire, qui redresse, et qui, avant tout, passe
devant et prêche d'exemple et pas seulement de paroles. Et c'est cette
bouleversante et révolutionnaire consigne, la seule capable de faire progresser
1'humanite et de faire venir la paix sur nos innombrables champs de bataille: SI
QUELQU' UN VEUT ETRE LE PREMIER, QU' IL SOIT LE DERNIER DE TOUS ET LE SERVITEUR DE
TOUS". Vous pouvez chercher, vous ne trouverez cette folie que dans
1'Evangile. Et dans notre monde ou 1'enfant est si facilement exploite, violé, méprisé, c'est lui que le Christ place au coeur de ce renversement radical des
comportements. Le respect de 1'enfant, porteur d'avenir et exigeant d'une éducation authentique, devient le paradigme de 1'attitude de foi accueillante a la parole du Seigneur.
Saint Augustin, successeur des Apôtres, bien loin de tirer une
vanité quelconque de son ministère épiscopal, bien loin de parader dans les cours ou
les ambassades, dépassant par la grâce de Dieu les dangereuses prétentions
de ses lointains prédécesseurs évangéliques, n'hésitait pas à demander dans un
de ses sermons "aidez-nous de vos prières et de votre obéissance, demandez
que nous soyons moins touchés de 1'honneur de vous commander que du bonheur de
vous être utile... pour vous je suis évêque, avec vous je suis chrétien...".
Père BLONDEAU |