ÉVANGILE DE JÉSUS
CHRIST selon saint Luc (13,22-30)
DANS SA MARCHE vers Jérusalem, Jésus passait par les villes et
les villages en enseignant. Quelqu'un lui demande: «Seigneur, n'y
aura-t- il que peu de gens à être sauvés?»
Jésus leur dit: «Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite,
car, je vous le déclare, beaucoup chercheront à entrer et ne le
pourront pas. Quand le maître de la maison se sera levé et aura
fermé la porte, si vous, du dehors, vous vous mettez à frapper
à la porte, en disant: "Seigneur, ouvre-nous", il vous
répondra: "Je ne sais pas d'où vous êtes." Alors vous
vous mettrez à dire: "Nous avons mangé et bu en ta présence,
et tu as enseigné sur nos places." Il vous répondra:
"Je ne sais pas d'où vous êtres. Éloignez-vous de moi,
vous tous qui faites le mal. "
"Il y aura des pleurs et des grincements de dents quand vous
verrez Abraham, Isaac et Jacob et tous les prophètes dans le
royaume de Dieu, et que vous serez jetés dehors. Alors on viendra
de l'Orient et de l'Occident, du Nord et du Midi, prendre place au
festin dans le royaume de Dieu.
«Oui, il y a des
derniers qui seront premiers; et des premiers qui seront derniers.
|
La
porte étroite.
"La formule est
devenue célèbre. André Gide l'avait choisie comme titre d'une
de ses œuvres, particulièrement ambiguë, où il semble
magnifier une éthique du renoncement au désir. Dans la bouche de
Jésus, cette ambiguïté pourrait être aussi présente si l'on
oubliait le contexte d'une formule où il semblerait restreindre
l'entrée dans ce Royaume que si souvent il affirme par ailleurs
ouvert sans limites. Mais alors quel est-il . donc ce Royaume où
beaucoup cherchent en vain à entrer, frappant désespérément à
une porte close, et s'entendant rétorquer de l'intérieur qu'on
ne les connaît pas, et qu'ils déguerpissent au plus vite!...
Apparemment nous ne sommes pas habitués à un tel langage
d'exclusion impitoyable!... Texte difficile que l'Évangile de ce
dimanche.
Peut-être faut-il dire d'abord que le premier à franchir cette
porte étroite sera Jésus lui-même. Elle n'est ni large, ni
spacieuse, la porte qui conduit au Calvaire pour aller jusqu'au
bout du témoignage de l'amour, du témoignage en faveur d'un Dieu
de liberté qui dérangent ceux qui veulent l'enfermer à leur
profit dans les lacets étroits d'une loi tatillonne et
formaliste. Le Shabbat est fait pour l'homme, et non l'homme pour
le Shabbat, race de vipères! Après ça, étonnez-vous qu'on se débarrasse
brutalement du gêneur, de l'empêcheur de prier en rond! Porte étroite
par laquelle, à la suite de Jésus, si nous voulons le suivre
jusqu'au bout, il faut s'efforcer de passer.
Cette porte, nous pourrions la manquer si, comme l'homme qui pose
à Jésus la question bien réductrice qui va provoquer sa rude et
mystérieuse réponse, nous pensions que le passage est réservé
à l'élite, parmi laquelle bien entendu on se place. L'élite,
c'est-à-dire les familiers, les brevetés, les enregistrés du
salut, ceux qui font bien tout ce qu'il faut, les bien-pensants
dit-on parfois, qui ne sont pas forcément : les bienfaisants,
ceux qui ont mangé et bu -eucharisties ratées- en la présence
de quelqu'un dont on a bien entendu l'enseignement, mais dont,
peut-être, on s'est à ce point trompé sur son identité qu'il
risque, au seuil de la porte, de nous dire "je ne vous
connais pas".
Car soudain, dans l'évangile, voilà que ces fameuses portes que
n'arrivent pas à franchir ceux qui les imaginaient s'ouvrant
toutes grandes devant eux, avec un tapis rouge et des fauteuils au
premier rang, elles s'ouvrent largement , totalement lumineusement
à tout le monde et à n'importe qui, des quatre coins de
l'horizon, de l'Orient, de l'Occident, du Nord et du Midi. Elles
s'ouvrent pour ceux qui sont invités à prendre part au festin
dans le royaume de Dieu sans avoir forcément, de façon repérable
au moins, mangé, bu et entendu l'enseignement, ceux dont le même
Évangile nous dit ailleurs qu'on va les chercher à tous les
carrefours du monde et qui pourraient bien être ces publicains pécheurs
et ces prostituées qui "vous précéderont dans le
Royaume...".
Coup de théâtre? Décourageante sélection
dont nous serions victimes, nous, vous et moi qui si souvent
mangeons et buvons avec le Seigneur, qui se donne en nourriture et
entendons son enseignement? Non, bien sûr. Mais plutôt rappel,
invitation à l'authenticité de notre vie chrétienne, nous
souvenant d'autres paroles du Maître qui nous disent:
|
"Ce ne sont pas ceux qui disent
Seigneur, Seigneur! ... qui entreront dans le Royaume mais
ceux qui font la volonté de mon Père..." ou encore:
"si venant présenter ton offrande tu te souviens que
ton frère a quelque chose contre toi, va d'abord te réconcilier,
puis reviens...".
Jésus nous dit que franchir la porte ce n'est pas seulement
une affaire de rites mais que ce qui rend ces rites vivants
et salvifiques, c'est de faire nôtres les attitudes de Jésus
donnant sa vie pour ses frères: la foi pascale engendre
l'amour. Le parcours du Christ, qui passe par la porte étroite
du don de sa vie, devient notre propre parcours comme le dit
Paul aux Philippiens: "Ayez les uns pour les autres les
attitudes qui furent celles du Christ Jésus" (2/5). Et
puis souvenons- nous que dans la Bible les prophéties
catastrophiques sont toujours faites pour que ce qu1elles
annoncent ne se produise jamais." |
Efforcez-vous d'entrer par la
porte étroite. Luc 13,24
Père Blondeau.
|