L'amour
et la loi.
"Sans amour on n'est rien du tout, chantait Édith Piaf,
Saint Paul, dans un passage fameux de sa première lettre aux
Corinthiens, l'avait affirmé avant elle: "S'il me manque
l'amour, je ne suis rien". L'un et l'autre ne mettaient
probablement pas exactement les mêmes choses sous le même mot.
Il n'empêche que la convergence est belle, et qui sait si la
célèbre chanteuse, plus que dans sa vie sentimentale agitée,
n'avait pas puisé sa conviction dans la dévotion très grande
qu'elle portait, dit-on, à Sainte Thérèse de Lisieux, elle
aussi une grande amoureuse. Jésus, nous dit encore l'Évangile,
s'intéresse à la samaritaine aux sept maris dont aucun n'était
le bon. L'important n'est pas ce que l'on est, encore moins ce que
l'on paraît, l'important c'est la nature de l'eau dont a soif.
Soif d'amour diront beaucoup, soif de vie éternelle dira Jésus
à cette femme.
Mais l'important est peut-être encore
ailleurs, et il est ici plus théologique qu'affectif ou moral.
C'est l'annonce décisive d'un immense changement en matière
religieuse. Et ce changement, sans doute n'aurons-nous jamais fini
d'en prendre conscience, et plus encore d'en vivre. Avec Jésus
nous ne sommes plus dans une logique de loi mais dans une logique
d'amour. Le service du divin est désormais le service de l'humain
. Ce qui lui donne une portée éminemment concrète. Servir le
divin, c'est respecter sa loi, c'est poser des actes de culte,
faire monter de l'encens, offrir un jeûne, affirmer une
soumission, une adoration, et même un amour, mais un amour qui
vise, dans la foi, la transcendance, l'invisible. Servir l'humain
c'est, dira Jésus, libérer le prisonnier , nourrir l'affamé,
vêtir le nu, soigner le malade, accueillir l'étranger, respecter
l'enfant, ce modèle de confiance qu'il ne faut pas tromper. Et
l'apôtre jean ira jusqu'à écrire : "Si quelqu'un dit
j'aime Dieu et a de la haine pour son frère, c'est un senteur".
Et la haine le p!us meurtrière c'est l'indifférence. Voilà
pourquoi le même jean enfonce le clou , "Qui n'aime pas son
frère qu'il voit ne saurait aimer dieu qu'il ne voit pas".
Si l'humanité d'un homme se mesure à l'amour,
le chrétien sait désormais que la vérité de sa religion, de sa
pratique, de sa prière, de sa foi, se mesure à l'amour de
l'humanité, et plus exactement de cette humanité qu'il côtoie
chaque jour dans la présence physique, ou dans ces image,;
que notre modernité ramène de tous les coins du monde sous nos
yeux. L'amour, en Jésus, surclasse la loi. Paul ne cesse de le
répéter. La loi, si elle est nécessaire, désormais n'est plus
que la structure de l'amour, sa gangue en quelque sorte.
L'authenticité religieuse est de reconnaître sous cette loi qui
reste indispensable en humanité, l'amour qui peut seul lui donner
une âme, dire sa vérité, et ce que veut la loi ne peut être
obtenu que par la liberté de l'amour. C'est ce qui faisait
écrire à Saint Augustin "Aime et fais ce que tu
voudras", car ce que l'on veut est alors expression de
l'amour".
Père BLONDEAU.
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