JAMAIS DIEU "EN - DIRECT" !

"Un des grands messages du christianisme, enraciné dans l'Incarnation, c'est que. le Dieu de notre foi ne nous rejoint jamais directement mais toujours "partir. Il Y a là de quoi se défier des visionnaires, en tout cas à bien entendre le sens d'une l'apparition". À la fin de sa vie, à Nevers, Sœur Marie-Bernard ne se souvenait plus très bien de ses apparitions, mais par contre Quelles extraordinaires médiations du Dieu de Jésus ne cessent de s'accomplir à Lourdes "par" le Sacrement Eucharistique, "par" la présence des malades, "par" la  foi et "par" l'ineffable, bien qu1nvisible présence, partout, de l'Immaculée Conception, puisque c'est ainsi que l'Église nous invite à nous tourner vers la mère de celui "par" lequel Dieu s'est fait connaître, et en qui Bernadette avait mis son inébranlable confiance.
Oui, Dieu se fait, .toujours connaître par des "intermédiaires". À commencer par Jésus de Nazareth, homme au milieu des hommes, dont il faudra attendre, au terme d'une vie si semblable à celle de ses contemporains, Qu'il disparaisse dans une mort épouvantable et qui dispersera tous ses fidèles, pour que, au-delà de cette mort, dans de mystérieuses retrouvailles que l'on appellera Résurrection, ces mêmes fidèles comprennent, comme éblouis, Qu'on ne peut le reconnaître comme Dieu qui nous rejoint Qu'à sa définitive absence que l'Église appellera Ascension. Oui, le reconnaître à une chaleur du cœur Qui ne vous lâche plus, à un entendement toujours plus approfondi d'Écritures inlassablement scrutées et méditées, à cette poussée irrésistible, comme par un Souffle puissant, à aller dire jusqu'aux extrémités de la terre le passage libérateur d'un Dieu qui s'est fait connaître comme une immense force d'amour libératrice, et le dire au nom du Père, du Fils, de l'Esprit.
Voilà. Et désormais, l'Évangile l'affirme,: "Qui vous accueille m'accueille, et Qui m'accueille accueille celui Qui m'a envoyé". Et le message sera encore plus précis: "Ce que vous avez fait à ces petits qui sont mes frères, les malades, les étrangers, les nus, les prisonniers, les affamés de pain et de justice, c'est à moi que vous l'avez fait... ou que vous l'avez refusé. Oui, Dieu ne nous rejoint jamais directement, on ne peut voir Dieu sans mourir disait la vieille Bible dans la Première Alliance. Et cela parce Que Dieu est amour et que l'amour ne peut se rejoindre que dans une relation, un don, un accueil. Tout accueil vrai entre les hommes est présence de Dieu. Toute communion montre son visage. Toute désunion le défigure. Dieu nous a rejoint par le Christ. Il nous rejoint à chaque instant de nos vies à travers tout homme que nous rencontrons puisque nous reconnaissons en Jésus cet homme parfait qui récapitule en sa personne toute l'humanité.

La prétention de rencontrer Dieu directement n'est pas chrétienne. Et nous savons qu'elle peut facilement devenir un illuminisme où la raison pourrait sombrer, ou bien une subtile captation de pouvoir afin d/établir sur les autres le redoutable poids d'une théocratie qui devient vite massacrante, Inquisition ou Djihad. Un humoriste écrivait: "Je n'ai pas peur des gens qui s'adressent à Dieu mais je crains ceux qui entendent les réponses". Notre quête de Dieu prend désormais en Jésus le chemin de tous nos frères humains. Ainsi peut s1nstaurer un univers de communion, œuvre et image de celui qui est l'amour. Et de cet univers ce sont les Béatitudes qui deviendront la loi.

C'est pourquoi il ne peut y avoir d'amour authentique que celui qui en Jésus s'enracine dans l'amour de Dieu et l'exprime. Père, mère, fils, fille, conjoint, enfant, ami, et même ennemi dit l'Évangile, ne pourront jamais autant être aimés que si l'amour dont on les aime se purifie et s'authentifie en traversant, si l'on peut dire, l'amour de Jésus. Cet amour dont sa Croix, qu'il nous faut porter avec Lui, montre qu'il est oubli total de soi jusqu'au don de la vie, mais dont la Résurrection nous assure que ce n'est qu'en se perdant dans cet amour là que l'on se trouve vraiment, que l'on aime vraiment et même que l'on s'aime vraiment. Et c'est, pour finir, le sens d'une des paroles évangéliques les plus mystérieuses, les plus fortes, les plus éminentes, dont on ne finira jamais de découvrir la vertigineuse profondeur: "qui veut garder sa vie pour soi la perdra; qui perdra sa vie à cause de moi la sauvera". Ces mots disent tout le Mystère Pascal, tout le mystère du Salut, toute la révélation du Dieu de Jésus Christ, tout Jésus Fils de Dieu et Verbe éternel, et tout l'homme bien entendu".

Père Jean-Baptiste BLONDEAU