La loi nouvelle
"Et l'homme? Pour commettre l'adultère,
il faut être deux. D'ailleurs dans la Torah, Deutéronome 22/22,
la lapidation c'est pour l'un et l'autre. Or il y a flagrant délit
! Est-ce du machisme une fois de plus ? Peut-être. Mais peut-être
aussi faut-il chercher plus loin, comme toujours l'Évangile, sous
ses airs tout simples, révèle les échos d'une profondeur que
notre coeur et notre esprit n'ont jamais fini de sonder.
Dans la Bible, Israël, le Peuple élu, est l'épouse de Dieu. La
comparaison est constante. Et tout aussi constamment son infidélité
est là, déplorable. Épouse adultère, prostituée même chez le
prophète Osée, elle ne cesse de courir les éternelles idoles de
la richesse, du pouvoir, de la sécurité. Et cela au mépris de
la loi qui dit que le seul digne d'amour est ce Dieu amoureux, ce
Dieu du désert qui ne présente d'autre sécurité, d'autre
richesse, que la force de son amour, que la force de l'amour qui
peut seule garantir la paix, l'équilibre, la joie, qu'aucune
autre puissance ne pourra apporter. Souvenons-nous, un jour, au désert
justement : "arrière, Satan.. . ".
Hélas, la multiplicité, la permanence de l'adultère ne
laissent-elles pas entendre que la Loi, ce décalogue que
brandissent sur celle que l'on jette aux pieds de Jésus ses juges
implacables, ne parvient pas à garder l'épouse dans cette fidélité
source de vie ? Et ne sommes-nous pas nous-mêmes cette femme pécheresse
pour qui la loi, dans sa grandeur certes mais aussi dans sa
rigueur, échoue à garder dans l'alliance ? Comme le dira Saint
Paul, si cette loi est incapable de nous sauver alors elle nous
condamne à n'avoir d'autre avenir que la mort. D'ailleurs nous-mêmes
qui la brandissons si facilement sur la tête des autres, n'en
faisons-nous pas parfois, par la cruauté de nos jugements sans
merci, un véritable instrument de mort plutôt que de salut ?
Alors retentit la parole de Jésus : ne jugez pas et vous ne serez
pas jugés... ne condamnez pas et vous ne serez pas condamnés...
Alors retentit la proclamation d'une nouvelle loi, celle qui
aujourd'hui d'une part fait la vérité sur toutes les situations
de l'hypocrisie moralisatrice
"que celui qui n'a jamais péché jette la première
pierre", d'autre part instaure une Loi nouvelle qui n'est pas
la contradiction de la première mais son achèvement, son épanouissement,
comme l'éclosion de la formidable promesse qu'elle contenait dans
l'esprit qui traversait sa lettre dont pas un iota ne peut être
enlevé ! Oui, Loi nouvelle de l'amour qui en Jésus relève celle
qui était tombée, lui ouvre un nouvel avenir: va!. .., et peut
seule enfin la réconcilier: "ne pèche plus ! . . . ".
Loi dont la force est celle de cet amour qui commence par dire à
la femme qui est tombée: "moi non plus, je ne te condamne
pas... ".
Quand Jésus qui se baisse pour la rejoindre dans sa position
humiliée écrit sur le sable avec son doigt, c'est dans l'Écriture
la même expression que dans Exode 31/18 et Deutéronome 9/1 où
Dieu est montré écrivant du doigt pour Moïse la Loi sur les
tables de pierre que l'on retrouve. Et ce qu'écrit Jésus qui
s'abaisse au niveau de l'homme pécheur, c'est la loi nouvelle de
l'amour qui peut - seule libérer enfin le coeur de l'homme de ses
passions meurtrières. Alors la Loi, plus jamais, ne pourra être
un piège, mais désormais ce chemin de liberté et de vie que le
relèvement du Christ au matin de Pâques confirmera comme ayant
pour toujours emporté le péché du monde, notre péché.
N'est-ce pas la grande espérance qui traverse le temps de ce Carême,
qui traverse nos vies converties à cette loi nouvelle.".
Père BLONDEAU |