LA SAINT SACREMENT.
"La réalité est si grande, si décisive dans notre vie chrétienne
qu'il est important de ne pas l'affaiblir, la déformer,
l'emprisonner dans la pauvreté de nos mots et l'ambiguïté de
nos représentations. Sans compter les risques d'un vocabulaire
inintelligible à nos contemporains et qui les éloignerait de la
richesse d'un don unique plutôt qu'il ne leur en permettrait
l'accès.
Le Christ nous fait don de sa personne, chair et esprit, dans
l'actualité de nos vies. Voilà le fait, accueilli dans la foi,
dans la confiance à sa parole quand il dit sur du pain:
"c'est mon corps", sur du vin: "c'est mon
sang", quand il nous invite à prendre, à manger, à boire,
et à recommencer "en mémoire de lui".
Quand nous disons "sacrement", cela veut dire une réalité
que perçoivent nos sens et qui renvoie à quelque chose de plus
grand qu'elle. Nous voyons du pain, du vin et nous sommes renvoyés,
c'est à dire "envoyés de nouveau" vers quoi? Vers Jésus
ressuscité qui est hors de nos prises. Et pourquoi disons-nous
cela? A cause des paroles que Jésus prononça lui-même sur du
pain et du vin, et aussi, sinon ce serait de la magie, à cause de
la foi de la communauté qui depuis tant de siècles a gardé ces
paroles et nous les a transmises. Chacun d'entre nous doit donc
faire sienne cette foi de l'Église pour que le sacrement renvoie
vraiment à cette présence réelle. Ce qui veut dire qu'un animal
qui avalerait du pain "consacre" ne recevrait pas le
corps du Christ.
Par ce pain et par ce vin ainsi consacré nous passons dans la vie
du Christ. Il y a mouvement. L'Eucharistie n'est pas une réalité
statique, immobile. Adorer le Saint Sacrement, comme nous disons,
ce n'est pas nous planter là comme devant une idole, c'est faire
ce mouvement intérieur vers le Christ ressuscité qui, comme dit
Saint Paul, remplit l'Univers. Mais nous savons que le corps du
Christ ressuscité, c'est l'Église, c'est-à-dire la communauté
des croyants unis dans l'amour. C'est donc vers elle qu'en Christ
nous faisons mouvement, et voilà pourquoi cette adoration n'est
pas étrangère à notre Projet Missionnaire Diocésain.
Adorer le Saint Sacrement, c'est donc reconnaître dans ce pain
consacré et comme enraciné dans la foi de l'Église la présence
du Christ Ressuscité, et notre présence dans cette présence
puisque nous sommes, pierres vivantes, les membres vivants de ce
corps de Jésus Ressuscité qu'est l'Église. Et à la mesure de
la victoire du Ressuscité sur toutes les forces de mal et de mort
qui l'avaient doué sur la croix, c'est nous savoir appelés, nous
aussi, à participer à cette victoire. C'est vouloir lutter,
contre les forces de mort qui sont en nous, nos violences, nos
suffisances, nos égoïsmes, c'est vouloir en communion avec le
Ressuscité prolonger et rendre active sa victoire dans le monde
en nous engageant avec lui dans cette dure lutte contre les
puissances de ténèbre qui déchirent encore 11humanité et empêchent
que n'apparaisse pleinement la présence réelle du Ressuscité.
Adorer le Saint Sacrement c'est donc puiser dans cet é1an la
force qui va nous pousser vers le monde pour y faire grandir la
paix, la solidarité, la justice, l'amour, la miséricorde et la
connaissance de Dieu, tous ces rayons de la lumière du matin de Pâque.
Car ce que nous adorons ici est un Sacrement et non une idole, un
sacrement qui par conséquent entraîne nos vies dans la dynamique
de ce qu'il signifie à nos yeux et à nos cœurs éclairés par
la foi: le Christ vivant qui nous associe à sa mission de salut
dans le monde."
Père Jean-Baptiste BLONDEAU
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