L ' Esprit
"Dieu ce n'est pas un nom propre. On dit
le Dieu des chrétiens, le Dieu des Juifs, le Dieu des Musulmans.
Nos frères Juifs se refusent d'ailleurs à lui donner un nom
quelconque. Dans la Bible 4 ,consonnes sans voyelles marquent sa
place. On le désignera par des termes qui sont en réalité la négation
affirmée de toute limite :l'Éternel, l'Infini, ou bien le
passage à la limite de ce qu'on peut observer en humanité : le
Tout-Puissant, le Très Miséricordieux. Saint Jean de la Croix,
voulant le différencier radicalement de tout ce qui a forme ou
visage dans l'ordre du créé, ira jusqu'à dire que Dieu est le Néant,
la Nada. Voilà un Dieu bien difficile à imaginer, et plus encore
à rencontrer!
Toujours dans la Bible, il est encore souvent désigné comme un
souffle, ruah. Cet esprit créateur mystérieux qui plane sur les
eaux du début du monde. Dieu invisible mais qui est pourtant bien
là. Dans le Saint des Saints du Temple de Jérusalem vers lequel
se tournait la foi, la piété et la confiance de tout un peuple,
pendant des générations, il n'y avait... rien ! Et sur le Mont
Carmes, c'est de dos, dans un souffle imperceptible que le
mystique prophète Élie reconnut le passage du Seigneur. Tout
cela, dans lequel plonge notre tradition chrétienne, va, comme on
le voit, assez à l'encontre de la fringale moderne de
manifestation, de révélation, d'apparition.
Et puis vint Jésus. Là, on pourrait penser que tout va changer.
Et c'est vrai qu'en un sens tout va changer. Le Dieu que cherche
la foi a enfin un visage, il est là, bien vivant, on peut le
rencontrer. "Philippe, qui me voit le Père". Dieu a
pris visage d'homme: Tout Dieu est là. Nous avons appelé cela
l'Incarnation. Comme le chante un beau cantique:
Et ce visage de Dieu a été bien déconcertant.
Né dans une étable, dans une modeste famille d'artisan. Et
jusqu'à l'âge de sa maturité bien enfoui dans le mystère de
Nazareth dont on ne scrutera jamais assez la profondeur. Le Père
Charles de Foucauld qui s'y était engagé y a trouvé les chemins
d'une extraordinaire vie spirituelle. Oui, en Jésus Dieu s'est
montré comme un passionné de l'humanité, et plus particulièrement
de sa part la plus pauvre, la plus méprisée, la plus pécheresse.
Il dira un jour : "Je ne suis par venu pour les bien-portant
mais pour les malades." Un Dieu médecin, des corps quelques
fois, le plus souvent des esprits, et coeurs, guérisseur de ces désespoirs
humains venant si souvent des amours dénaturés.
Ça n'a pas duré très longtemps. Ce visage de Dieu n'a pas plu
à certains. Ils auraient préféré un Dieu très puissant, qui rétablisse
le pouvoir de ses fidèles, chasse les occupants et domine le
monde, moyennant quelques sacrifices, lui qui avait dit un jour :
"laisse là ton sacrifice et va d'abord te réconcilier avec
ton frère..." Alors, on l'a fait disparaître. Mais en
laissant son tombeau vide, en se faisant reconnaître aux siens
qui le pleuraient, il a confirmé que ce visage là, ce Dieu qui a
le visage de l'homme, c'était bien le visage du vrai Dieu. On
peut compter sur lui, à jamais. Ses faits et gestes, ses paroles,
dont on s'est souvenu, tracent désormais un chemin d'espérance
vers le Dieu de la Foi, le Dieu de l'amour, le Dieu de la vie.
La Pentecôte, après le mystère d'Ascension où il retourne dans
l'invisible pour être universel dans l'espace et le temps, dans
toute l'histoire humaine désormais, la Pentecôte, c'est DIEU QUI
PREND LE VISAGE DE L'ACTION. De notre action. C'est dans cet agir
que nous avons à faire à lui. La Pentecôte, c'est Dieu en nous
donné, présent, communiqué, diffusé, rayonné. L'Esprit Saint
c'est en nous la générosité expansive de ce Dieu d'amour dont Jésus
nous dit les mots et les gestes. De l'Esprit nous ne savons rien
d'autre que cette force qui est en nous et que nous appelons aussi
la force de l'amour. L'Esprit est là quand les disciples n'ont
plus peur, quand ils partent vers leurs frères pour créer dans
le monde des liens fraternels qui annoncent la présence du
Royaume de Dieu. L'Esprit c'est ce qui me fait aller maintenant
dans le sens du Christ qui est le sens de l'Évangile à écrire
pour les hommes de notre temps. L'Esprit, c'est ce qui fait
exister l'Église comme signe et source de cette espérance, de
cette Présence."
Père BLONDEAU |