Nous ne sommes pas des
moutons !...
"Je suis le Bon Pasteur". Selon l'Écriture
quels sont donc les traits de caractère d'un tel berger? Il parle
à ses brebis! La parole. C'est ce qui révèle l'homme. Des
silencieux on ne sait trop que penser. On s'en méfie. La parole
dit l'être. La vraie, pas le bavardage, le stéréotype, le répété,
le "copié-collé", pas celle qui renforce l'absence en
faisant illusion. Pas non plus celle qui calcule, qui trompe,.
Non, la parole qui me dit, celle dans laquelle je projette ma pensée,
mes sentiments, mes intentions, mes désirs. Celle qui me dit même
si elle est forcément tâtonnante dans M infirmité des mots, même
si elle a peine à entrer dans le champ mystérieux de mon
interlocuteur où chacun de mes mots résonnent dans son monde qui
n'est pas le mien. Parole dont la plus haute de sens sera la
parole d'amour, économe de mots, mais si riche de toutes les
vibrations du coeur. C'est justement celle de Jésus à son
troupeau. Et voilà pourquoi Il peut se dire le Bon Berger.
Oui, le Bon Berger parle, et de telle façon, avec un tel accent
qui ne peut tromper, que ses brebis, bien entendu, écoutent sa
voix. C'est une parole qui institue la connaissance. Ce mot dans
la Bible dit toujours la relation la plus intime, la plus
charnelle, par la tendresse et la confiance. Jésus connaît ainsi
ses brebis que nous sommes. Nous appelons, selon l'Écriture ,
cette intimité avec le Ressuscité :l'accueil au coeur de notre
être de cet Esprit qu'il nous donne et qui est en nous la source
de toutes les fécondités.
Car cette connaissance venant par l'accueil d'une Parole, produit
en nous ce double effet de toute parole authentique : elle
rapproche et elle fait vivre. La parole du Berger, si nous
l'entendons, et pas seulement avec les oreilles mais au plus
profond du cour, par la confiance, elle nous attire au point
qu'elle met en nous ce désir de suivre le Pasteur, de ne plus le
quitter , d'attacher nos pas aux siens , "mes brebis, elles
me suivent". Et dans cette présence réciproque, c'est de la
vie que nous recevons. Et pas une vie quelconque : "la vie éternelle",
une vie dont nous pressentons qu'elle dilate notre propre
existence au point de la pousser en avant, et en avant même de ce
qui la menace le plus : la mort. L'amour et la confiance font
vivre. Le quotidien de nos amours humaines déjà nous le fait,
bien savoir. Suivre ce Berger c'est savoir que nul ne peut nous
arracher de sa main et qu'avec lui nous ne pouvons périr.
On comprend alors qu'un tel berger ne fait pas de nous des moutons
bêlants et stupides, un troupeau passif et suiveur qui serait
rabattu par des chiens de garde. D'ailleurs ce berger-là en
d'autres lieux de l'Écriture deviendra lui-même un agneau qui
donne sa vie et que l'on voit siéger sur le trône de
l'Apocalypse. Dans la Bible il y a toujours un éclatement, un
bouleversement, un renouvellement de toutes les images, de tous
les symboles afin qu'aucun ne puisse être compris comme disant le
tout du message, il ne faut pas nous y tromper. Non, l'Église
Peuple de Dieu n'est pas un troupeau sans responsabilité. En
parler comme des "ouailles" est une caricature obsolète
que le Concile Vatican II a d'ailleurs fait voler en éclats en
parlant justement de l'Église du Christ comme d'un Peuple habité
et conduit par l'Esprit.
En réalité l'image du troupeau, ici, est image d'unité,
"un seul troupeau, un seul pasteur". Et cette unité Jésus
va la fonder dans l'unité qui le fait vivre en communion avec son
Père. "Le Père et moi nous sommes un". Mais dans
l'unité du troupeau comme dans l'unité trinitaire, la
consistance des personnes, leur irréductibilité n'est pas gommée,
bien au contraire. Chaque brebis et connue par son nom. C'est
cette connaissance qui l'établit en ce qu'elle a d'unique, comme
le Père et le Fils dans la réciprocité de leur connaissance et
de leur unité sont affirmés selon leur personne propre, pour eux
comme pour nous, par le lien de cet amour sans limite que Jésus
appelle l'Esprit. Aussi nous révèle-t-il notre ultime vérité:
chacun de nous est libre, unique et précieux dans cette communion
divine qui devient à jamais le modèle de toute relation humaine.".
Père BLONDEAU |