"AU COURS DU DERNIER REPAS que Jésus prenait avec ses disciples, quand Judas fut sorti, Jésus déclara: «Maintenant le Fils de l'homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui. Si Dieu est glorifié en lui, Dieu en retour lui donnera sa propre gloire; et il la lui donnera bientôt."

«Mes petits enfants, je suis encore avec vous, mais pour peu de temps. Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres. Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres.»"

Aimez-vous...

"Nos églises se vident. Les jeunes générations les désertent. Elles manquent tragiquement à nos assemblées vieillissantes. Jadis, aux messages religieux, il y avait souvent la réponse de l'hostilité. Au moins cela reconnaissait une existence. Aujourd'hui c'est l'indifférence, et parfois la dérision, sauf quand le religieux prend le visage de l'intégrisme et de la violence, physique ou morale ; alors il inquiète, il fait peur et produit de la répulsion. Face à ce constat pour nous désolant et cruel, oui, pour nous qui savons ce que nous puisons dans cette foi qui est l'ossature même de notre existence, que faire?

On a tout essayé. Dans un sens comme dans l'autre, la Réforme et la Contre Réforme jadis ou la "Restauration", aujourd'hui, semble-t-il. Rien n'y fait. Non, rien n'y fait. Rien, si cela se fait dans l'amertume, la nostalgie du passé, la polémique, l'impatience ou l'esprit de revanche ou de reconquête. Rien n'y fait si cela ne se fait pas d'abord dans l'amour . Devant l'urgence, on serait presque tenté de dire, oui, n'importe quoi, mais dans l'amour. C'est en tout cas ce que rappelle clairement Jésus dans l'Évangile de ce dimanche : "Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres".

Ne parlons pas de la séparation des Églises. Certes, c'est une vraie question, mais reconnaissons qu'elle n'empêche personne de dormir. Ni vous, ni moi. Par contre cet amour, présent ou absent, là, au coeur de nos communautés, de nos paroisses, de nos familles , de nos écoles quand elles se déclarent chrétiennes, c'est là que ça peut faire mal. Mal au nom que nous portons et qui contient le nom et la mission de celui en qui nous déclarons mettre notre confiance, notre foi, mai à la réputation de notre religion. Alors que l'amour devrait être le premier inspirateur de tous nos dévouements, de nos agir, de nos paroles, de nos choix...

Mais quel amour ? La réponse est aussi dans l'Évangile : "comme je vous ai aimés, aimez-vous aussi les uns les autres". S'aimer comme il nous aime, c'est l'acte de foi primordial et l'acte missionnaire fondamental. Le Concile Vatican II a largement remis dans tous ses documents cette réalité de l'amour évangélique, christique, au premier plan ; par exemple et entre autre, puisque hélas c'est dans l'actualité, en affirmant bien clair que les Juifs sont nos frères, aimés de Dieu par prédilection au titre d'une Alliance dont toute la Bible, jusqu'à la dernière ligne du Testament Chrétien, affirme qu'elle est sans repentance car, parole d'amour d'un Dieu fidèle.

Jésus Ressuscité s'en va, dit l'Écriture. Il est resté avec ses disciples "pour peu de temps". Il était l'humanité révélatrice de la tendresse de Dieu. Les hommes nos frères n'ont plus sous les yeux que notre humanité pour connaître cette tendresse,, ce qui est la première mission de l'Église, signe du salut, de l'Eglise que nous sommes. Jésus nous le rencontrons d'abord dans le témoignage de l'Évangile. Mais un livre, si inspiré soit il, ne suffit pas. Il nous faut être les pages vivantes et lisibles par notre temps de ce livre. Notre amour mutuel rend sensible à nos frères la présence actuelle du Christ Ressuscité. Sans cela tout risque de n'être que faste, magie et illusion, voir ritualisme ou superstition. Notre religion, c'est son immense nouveauté et originalité, est telle qu'elle agit en étant sans cesse habitée par l'Esprit qui est l'Esprit d'amour venant de Dieu en Jésus Christ, cet Esprit qui habite l'Église Peuple de Dieu. Mais l'amour n'est pas forcément que sentimental, il est cette Volonté de recopier en nous l'attitude de Jésus comme l'apôtre Paul l'écrivait aux Philippiens : "Ayez entre vous les attitudes qui furent celles mêmes du Christ Jésus".

Père BLONDEAU