DIEU.
"Dans notre langue française le mot est à la fois nom
propre et nom commun selon qu'il est écrit avec ou sans
majuscule. Sans majuscule? Il est souvent au pluriel: les dieux...
ou bien déterminé: le dieu du commerce, le dieu dé l'amour, le
dieu des Juifs... Et alors il faut lui donner un nom: Mercure, Éros
ou Adonaï. Le dieu des ,chrétiens? Souvent nous l'invoquons,
nous le prions, sans plus. Et il faut alors la majuscule: Dieu,
mon Dieu. Mais que mettons-nous sous ce mot si général, si
impersonnel, si abstrait? Une puissance, un "au-dessus"
ou un ailleurs, invisible? l'Être suprême, diront certains. Mais
qui est-il vraiment, le grand horloger? la source créatrice de
l'immensité du monde? Ce "QU'est-il" se transforme vite
en QUI est-il, c'est à dire est-il quelqu'un? une personne en
somme? Et quand nous disons cela nous sommes bien obligés alors
de projeter sur lui ce que sont pour nous les seules personnes que
nous connaissions, les personnes humaines, c'est-à-dire une
identité, des sentiments, une volonté. Mais tout cela à
l'infini. Bref, pour nous Dieu fait problème et il est bon d'y
avoir réfléchi avant d'entendre la réponse Chrétienne.
Le Dieu d'Abraham, d'Isaac, de Jacob, le Dieu de Moïse, le Dieu
des Prophètes, est comme l'ancêtre, la racine, la source du Dieu
de notre foi chrétienne. Il sera le Dieu que priera Jésus et
auquel, faisant faire un bond immense dans la détermination de
son identité, i' donnera le nom de Père, et plus encore SON père,
et même carrément "papa" ! Ce Dieu là est le résultat
d'une longue évolution qui reste le mystère, la grâce, du
Peuple d1sraël, qui le fait passer peu à peu du polythéisme païen
T Dieu nommé au pluriel, à la certitude d'un Dieu
au-dessus de tous les Dieux, monolâtrie d'abord, puis d'un Dieu
unique: monothéisme, pour finir.
Un Dieu unique, créateur, souverain, puissant, personnel, mais un
tel Dieu s1ntéresse- t-il à l'homme? Et tellement au-dessus de
tout et de tous, que peut-il bien faire tout seul? ! Un Dieu
solitaire, un Dieu qui s'ennuie, "qui crée" pour se
distraire et va continuer en s'amusant des humains, en les
tracassant, en tes piégeant, Dieu potentat, parfois même assez
sadique, qui veut bien "donner" aux hommes, mais exige
en retour révérence, soumission, adoration? Cela aurait pu en
rester là, mais Israël a continué puis avant son expérience
spirituelle, le pressentiment, la découverte de ce Dieu au cœur
de son histoire, en ajoutant à tous les qualificatifs précédents
un autre encore mais qui change tout: le Dieu de leur foi est un
Dieu d'AMOUR et ce qu'il veut faire avec l'homme qu'Il a créé
c'est une ALLIANCE qu'Israël comprendra comme une alliance
d'amour et de fidélité. Et un Dieu qui, au nom de cet amour pour
l'homme, se révèle à lui, lui fait connaître son existence et
lui donne une Loi à suivre pour correspondre à cet amour, vivre
cette alliance et trouver ainsi>bonheur et harmonie, trouver du
SENS à sa vie, Nous sommes là en ce point où convergent, me
semble-t-il, ce que l'on appelle les grandes religions monothéistes
1 et en ce point nous sommes donc en communion aussi bien avec nos
frères juifs, nos aînés, qu'avec nos frères musulmans, nos
cadets, grande foule des "Croyants" sur la terre d'hier
et d'aujourd'hui.
Mais, chrétiens, pas seulement croyants, nous allons plus loin,
en tout cas autrement. Nous croyons au Dieu unique, mais en Jésus
de Nazareth nous méditons sur ce que signifie cette unicité et
nous découvrons qu'elle n'est pas solitude mais "société"
parce que si Dieu se révèle comme personne, une personne qui
serait solitude ne peut exister vraiment comme telle. Nous sommes,
chacun, "personne", mais nous aussi, chacun dans notre
unicité nous sommes société. La vie, l'amour, ne peuvent être
solitude. Si Dieu est vie et amour, il ne peut être solitude,
mais en risquant le mot Trinité nous restons devant le mystère
insondable de l'être même du Dieu unique et nous n'avons jamais
fini de l'explorer. Saint Augustin l'avait bien compris, dit-on,
qui rencontra un jour un enfant mystérieux au bord de la mer
essayant de mettre dans un trou de sable la mer tout entière, et
l'enfant répondit à l'étonnement de l'évêque d'Hippone qu'il
aurait plus tôt fait que lui d'épuiser sa compréhension du mystère
de la Trinité.
l'unique porte d'entrée, pour nous chrétiens, et c'est pour cela
que nous portons ce nom, c'est Jésus, le Christ. En lui nous découvrons
qu'il faut dire UN le Père, UN le Fils, UN l'Esprit et que ce UN
est toujours le même. Oui, UN ce Dieu que Jésus appelle père et
dont il affirme qu'Il lui est lié par un amour absolu, UN
le Fils dont l'Écriture nous dit qu'il nous montre cet amour de
Dieu et le chemin, la vérité, la vie qu'il ouvre sous les pas
des hommes qui le cherchent, oui, ce Fils qui montre l'amour d'un
Dieu dont c'est en fin de compte la seule et vrai
puissance. dans ,cet amour extrême qui va jusqu'au don de la vie
et qui triomphe de la mort au matin de Pâque. UN l'Esprit, cette
mystérieuse présence en nous de l'amour pour le Père dont témoigne
le Fils en l'exprimant en amour des - frères, et c'est tout le témoignage
évangélique, présence dynamique qui change en cœur de chair
les cœurs de pierre et ouvre nos yeux sur l'invisible. Ce UN, en
Jésus, Verbe de Dieu comme dit Jean, en sa vie}' en sa mort, en
sa résurrection, en ce don de l'Esprit qu'il fait à l'Église,
se révèle comme une communion vivifiante au cœur de nos
communions humaines. Tout ce qui est Dieu nous est donné dans le
Christ et plus nous lui sommes unis, plus par lui, avec lui et en
lui, nous entrons dans l'éblouissante lumière de la vie de Dieu
qui n'est que pur amour, ce Dieu Unique et Trinité, puisqu'il
faut prononcer ce mot, qui en Jésus rayonne désormais la
tendresse de sa face sur le visage de nos frères."
Père Jean-Baptiste BLONDEAU
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