Evangile de Jésus-Christ selon saint Jean (18,33b - 37)

"LORSQUE JÉSUS comparut devant Pilate, celui-ci l'interrogea: «Es-tu le roi des Juifs ?» Jésus lui demanda: «Dis-tu cela de toi-même, ou bien parce que d'autres te l'ont dit ? Pilate répondit: «Est-ce que je suis Juif, moi ? Ta nation et les chefs des prêtres t'ont livré à moi : qu'as-tu donc fait ?» Jésus déclara: «Ma royauté ne vient pas de ce monde; si ma royauté venait de ce monde, j'aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs. Non, ma royauté ne vient pas d'ici.» Pilate lui dit: «Alors, tu es roi ?» Jésus répondit: «C'est toi qui dis que je suis roi. Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci: rendre témoignage à la vérité. Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix.»"...

LE ROI .

"Dans les derniers avatars de la monarchie française, le souverain ne fut plus roi de France mais roi des français. Cette apparente démocratisation de la fonction, alors que rares sont les monarchies parlementaires ayant cours en Europe à employer cette dénomination, cache en réalité l'illusion que le pouvoir pourrait être autre chose qu'une contrainte, une puissance , une force, souvent répressive, nécessaire d'ailleurs jusqu'à un certain point, celui ou les sociétés comme les individus ne peuvent vivre sans être déterminés par la fonction symbolique du père qui dit la nécessaire loi. Et les Présidents des Républiques de toutes formes, bien entendu, ne font pas exception.

Il faut mesurer tout cela pour comprendre la radicale originalité de la royauté attribuée à Jésus, dans I'Écriture et dans la tradition de l'Eglise, la royauté de Jésus ne renvoie pas à la symbolique du père et voila pourquoi elle n'a rien à voir avec les royautés humaines. Lui même l'affirme avec vigueur. "Mon royaume n'est pas de ce monde". Et il s'enfuit chaque fois que le peuple veut le proclamer roi de cette royauté là.

Le déni de royauté par Jésus commence dès le début de sa mission, dans le désert, ou le Tentateur lui offre tous les attributs des royautés humaines: la richesse, la puissance, et même le pouvoir religieux si souvent compromis avec le pouvoir humain. La réponse de l'Homme de Nazareth éclate, définitive: "Arrière, Satan!.." Et aujourd'hui à Pilate qui voudrait le sacrer pour le condamner en ayant la conscience tranquille, il s 'obstine à répondre: "Si je suis roi ? mais c 'est toi qui le dis, ce n 'est pas moi ... d'ailleurs tu ne fais que répéter ce que les autres disent ... et s'ils le disent c'est pour me nuire... et puis regarde, il me manque I'attribut majeur de la puissance royale: une armée pour me défendre par la force... ".

Décidément Jésus, ni père, ni riche, ni puissant, n'est pas roi à la manière humaine. Mais quelle est donc cette royauté dont on parle à son sujet ? Peut-être faudrait-il regarder du côté du premier lieu où, avant de l'être dans la liturgie, elle fut publiquement proclamée et inscrite: l'écriteau cloué avec lui sur la croix de son exécution: "Jésus, le Nazaréen, Roi des Juifs". Si nous le proclamons aujourd'hui Roi de l'Univers c'est à cause de ce que signifie ce qui ne voulait être qu'une dérision de plus ajoutée au supplice du condamné à mort, le seul lieu ou sa royauté est clairement affirmée.

La royauté que montre Jésus est telle qu'on ose à peine employer ce mot tellement chargé de nos ambiguïtés humaines. La puissance de Jésus vient d'ailleurs. Un ailleurs qu'il révèle comme étant un amour infini et qui, en affirmant cet amour comme la loi profonde de toute réalité humaine et cosmique, éclaire la parole d'Eglise faisant de Jésus le CHRIST ROI DE L'UNIVERS. Cette puissance est corrélative de la liberté la plus essentielle, qu'aucune loi, aucune charte, aucune Constitution pour Universelle qu'elle soit ne peut affirmer à ce point: la liberté de I'amour. Jésus est roi parce qu'il dit en son mystère la vérité du monde: "Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité". Et cette vérité c'est sa personne même, sa pureté, son innocence, son amour, tel qu'en témoigne tout le message évangélique. Le pouvoir humain pèse, celui de Jésus attire, comme la lumière attire, comme la vie attire, comme I'amour attire. Que Jésus soit roi pour les hommes, c'est ce que lui-même appelle être serviteur. Et c 'est ce qu 'il nous invite à être, par lui, avec lui et en lui.".

Père BLONDEAU